In Memoriam

29 mars 2021 par Flora [TheChamp-Sharing]
Un message de Jean-Michel Fournier et Gabriel Bergounioux en souvenir d’Alain Delplanque

Beaucoup de collègues du laboratoire n’ont pas eu la chance de connaître Alain Delplanque qui nous a quittés la semaine passée. S’il était resté très présent dans les activités de notre UMR à Tours, les collègues arrivés après son départ à la retraite, à Orléans et à Paris, n’auront guère eu l’occasion de le rencontrer.

Il s’était beaucoup investi dans l’enseignement et dans l’étude des langues au Burkina où son souvenir, parmi nos collègues, est resté très vif. Il avait soutenu sa thèse en 1986 sous la direction d’Antoine Culioli sur le dagara dont il aura été l’un des meilleurs spécialistes. Wikipédia rappelle l’importance de sa contribution :

« Cette orthographe ayant plusieurs lacunes, les intellectuels dagara se réunissent à plusieurs reprises pour élaborer une orthographe plus adéquate. En 1973, lors d’un de ces forums, auquel participent l’anthropologue Bernard Bozie Somé et le linguiste français Alain Delplanque, une orthographe dagara est publiée dans un rapport. En 1975, la Sous-commission du dagara est créée par le Ministère de l’Éducation de Haute-Volta et prend l’orthographe de 1973 comme référence. »

Poursuivant dans cette voie, il a dirigé cinq thèses sur des langues de l’Afrique subsaharienne. Sa phonologie (1986) et la monographie (2012) parues chez Peeters témoignent d’un intérêt continu pour des recherches qui savaient concilier travail de terrain et théorie.

Il a été l’une des références des sciences du langage à Tours et l’un des précurseurs de notre rapprochement en partageant il y a vingt ans les enseignements du DEA (le M2 aujourd’hui) de son département entre les deux établissements. Nous publierons sur le site du LLL une biographie détaillée en souvenir du premier de nos africanistes, une orientation où nous n’avons pas cessé d’être présents.

Jean-Michel a tenu à rappeler combien il était et reste proche de nous :

Je n’ai pas l’intention, ni sans doute les moyens, de résumer l’histoire d’Alain Delplanque, à Tours et dans notre univers linguistique : il y aura d’autres lieux et d’autres personnes pour ça sans doute. Mais à l’intention des membres de notre laboratoire, je voudrais proposer plutôt ce qui relève de l’anecdote humaine, l’écume qui nous reste quand les vagues se sont retirées, et cette fois à jamais. Depuis Poitiers où j’étais doctorant à distance du parisien Lionel Guierre, il était le grand frère sympathique et rassurant que je croisais régulièrement dans les réunions partagées : à la fois éloigné donc mais humainement particulièrement présent. Et puis je l’ai rejoins à Tours : on pourrait rappeler son soutien constant à l’invention d’une formation linguistique et à la création d’un laboratoire réunissant l’ensemble des linguistes quell que soit leur section disciplinaire, démarche à laquelle il apportait sa caution professorale. Mais est-ce vraiment ce que l’on voudra retenir de lui ? Il a sans aucun doute grandement contribué à faire naître le LLL, même si celui-ci ne s’est formellement constitué qu’après son départ en retraite, mais ce n’est pas ce qui me vient spontanément à l’esprit quand je réveille sa mémoire : non, depuis le début de nos tentatives de constitution à partir de la fin des années 90 nous avions institué les réunions régulières de recherche de l’ensemble des participants, d’abord librement, sur les sujets de chacun, puis organisées autour d’une thématique. Alain, c’était comme notre Alain Cambourian d’aujourd’hui, un intervenant constant, sur tous les sujets, et débatteur sans limite de la moindre préoccupation linguistique dès lors qu’elle touchait de près ou de loin l’un de ses domaines de prédilection, c’est à dire tout, de la phonétique à l’énonciation : que voulez-vous, quand on s’intéresse aux langues d’Afrique, il n’est pas rare que l’on soit spécialiste d’un peu tout… Et quand il débattait, Alain pouvait y aller fort, tant qu’il fallait en tempérer l’effet auprès des intervenants les moins expérimentés : mais c’est la passion du langage qui l’animait, rien d’une animosité personnelle. On s’est engueulés aussi parfois, mais dans quelle famille ne le fait-on pas, et puis, chacun l’aura compris, il avait du caractère.

Quand on commence de tirer le fil, on pourrait découvrir qu’il n’a guère de limites… Mais il reste une mémoire, un événement, qui selon moi doit être raconté aujourd’hui. Une commission de spécialistes (comme on appelait à l’époque ce qui servait aussi de comité de recrutement), suivie d’une discussion intense, entre lui et moi, sur l’intérêt de l’un des candidats que nous avions auditionnés : non pas que j’y étais opposé, mais que lui y tenait particulièrement. Je l’ai suivi. Et ne cesse depuis de m’en féliciter : il s’agissait de Sylvester.

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